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Qui est impartial ? Réflexions sur l’affaire Toronto Metropolitan Faculty Association v. Toronto Metropolitan University

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Traduit en français par Alexandra Djagba Oli

L’une de nos responsabilités premières en tant qu’enquêteur(e)s en milieu de travail est d’être impartial. Les raisons de cette exigence sont assurément évidentes : si nous menions une enquête avec une idée préconçue de nos conclusions finales ou si nous favorisions une partie à l’enquête au détriment de l’autre, notre enquête ne serait pas équitable, et les participant(e)s n’auraient aucune raison de croire à l’intégrité de celle-ci. Cela dit, savoir que nous devons être impartial est une chose, mais l’être réellement tout comme paraître impartial(e) aux yeux de ceux qui examineront notre enquête en est une autre. Que signifie réellement l’impartialité? À quoi ressemble-t-elle en pratique? Et comment pouvons-nous maintenir notre impartialité lorsque nous avons un lien – en tant qu’employé(e) ou enquêteur(e) externe – avec l’organisation commanditant l’enquête? Une décision arbitrale récente de l’Ontario, Toronto Metropolitan Faculty Association v. Toronto Metropolitan University1, apporte des éclaircissements sur ces questions.

L’affaire

Dans cette affaire, l’arbitre devait se prononcer sur deux griefs déposés par l’Association du Corps Professoral de l’Université Métropolitaine de Toronto (« TFA »)2 au nom de deux professeurs de l’Université Métropolitaine de Toronto (« TMU »)3. Ces professeurs faisaient l’objet de deux enquêtes en milieu de travail menées par deux enquêteurs externes distincts. La TFA a soulevé des préoccupations quant à un risque de partialité des enquêteurs pour les raisons suivantes :

  1. Une possible relation avocat-client : Les enquêteurs, qui étaient des avocats, avaient été engagés par la TMU d’une manière qui, selon la TFA, créait ou semblait créer une relation avocat-client, un type de relation dans laquelle l’avocat(e) ne peut être que partiale.
  2. Évaluation préliminaire et rédaction des allégations : Dans l’une des enquêtes, l’enquêteur avait d’abord procédé à une évaluation préliminaire des allégations avant de faire enquête. Dans l’autre enquête, qui avait été initiée par l’Université, l’enquêteur avait rédigé les allégations sur la base d’une lettre de doléances rédigée par plusieurs membres du département de la partie intimée et après s’être entretenu avec deux individus. La TFA a soutenu que ces processus impliquaient une préconception des faits, menant à une crainte raisonnable de partialité.
  3. Risque de partialité du fait du rôle d’« avocat » des parties plaignantes : En rédigeant les allégations, les enquêteurs pouvaient être perçus comme agissant en faveur des parties plaignantes, ce qui renforçait l’apparence de partialité.
  4. Conseil juridique à TMU : Dans l’une des enquêtes, l’enquêteur avait rencontré des représentant(e)s de la TMU pour discuter d’un cas où des préoccupations avaient été soulevées concernant la partie intimée, mais sans qu’aucune plainte officielle ne soit déposée. Selon la TFA, l’enquêteur avait, lors de cette discussion, fourni des conseils juridiques à la TMU, ce qui serait incompatible avec le rôle d’enquêteur(e) impartial(e).

La décision sur la relation avocat-client

L’essentiel de la décision de l’arbitre portait sur la nature de la relation entre la TMU et les enquêteurs externes, ainsi que son impact sur leur impartialité.

L’arbitre a conclu que les contrats de service entre la TMU et les enquêteurs établissaient une relation avocat-client, ou du moins en donnaient l’apparence. Il a relevé que les contrats faisaient à plusieurs reprises référence à la prestation de « services juridiques » et à la remise de rapports à la TMU « en tant que conseillers juridiques », l’objectif étant de préserver le secret professionnel.

L’arbitre a ensuite jugé que cette relation avocat-client, ou son apparence, créait une crainte raisonnable de partialité chez les enquêteurs, ce qui les empêchait d’être considérés comme impartiaux. Il s’est appuyé sur l’obligation d’impartialité des enquêteurs en vertu de la convention collective applicable, du Code des droits de la personne de l’Ontario et de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Selon lui, une enquête impartiale exige que « [Traduction] la manière dont l’enquête est menée ne doit susciter aucune crainte raisonnable de partialité »4.

Sur ce point, l’arbitre rappelle que le critère applicable pour déterminer s’il existe une crainte raisonnable de partialité est le suivant : « [Traduction] Une personne raisonnable, examinant la situation de manière réaliste et pratique, et y réfléchissant sérieusement, conclurait-elle qu’il est plus probable qu’improbable que la personne chargée de prendre une décision ne le fasse pas de manière équitable, consciemment ou inconsciemment? »5.

Selon l’arbitre, la relation avocat-client implique une obligation pour l’avocat de donner la priorité aux intérêts de son client et de ne rien lui cacher d’utile à son dossier.6 Cette obligation est « incompatible » avec le rôle impartial d’un(e) enquêteur(e) sous le Code des droits de la personne de l’Ontario et la Loi sur la santé et la sécurité au travail.7 Par exemple, une organisation peut chercher à éviter une responsabilité juridique, tandis qu’un(e) enquêteur(e) doit mener une enquête neutre, sans intérêt pour un résultat spécifique.8

L’arbitre a néanmoins précisé qu’une organisation pouvait tout à fait engager un avocat pour mener une enquête, mais que l’impartialité était compromise si l’avocat était engagé dans le cadre d’une relation avocat-client avec l’organisation9.

Impartialité des enquêteur(e)s internes et externes

L’arbitre a également examiné la question de l’impartialité d’un(e) enquêteur(e) interne, qui est un(e) employé(e) dont « le salaire est payé par l’organisation et dont la subsistance dépend de l’organisation »10. Il a noté qu’un argument similaire pouvait être avancé à propos d’un(e) enquêteur(e) externe rémunéré(e) par l’organisation. Toutefois, il a conclu que ni un(e) employé(e) interne ni un(e) enquêteur(e) externe ne sont automatiquement partiaux du seul fait de leur relation contractuelle avec l’organisation.

Il a toutefois précisé que « [Traduction] l’employé(e) qui mène une enquête ou l’enquêteur(e) externe engagé(e) par l’organisation doit s’efforcer d’être aussi indépendant(e) et objectif ou objective que possible »11. Il a distingué cette situation de celle d’un(e) avocat(e) menant une enquête dans le cadre d’une relation avocat-client, où les obligations de l’avocat(e) et l’impartialité de l’enquête sont « [Traduction] foncièrement incompatibles »12.

Autres conclusions de la décision

L’arbitre a rejeté les autres arguments de la TFA concernant un manque d’impartialité des enquêteurs. Il a conclu que les actions suivantes n’étaient pas incompatibles avec l’obligation d’impartialité des enquêteur(e)s :

  • Mener une évaluation préliminaire des allégations.
  • Rédiger une liste d’allégations.
  • Partager avec l’organisation leur expertise en matière de pratique et de procédure d’enquête.

Enseignements à tirer

Cette décision indique clairement que les avocat(e)s-enquêteur(e)s et les organisations qui les engagent doivent prêter une attention particulière au libellé des contrats de service. Ces contrats devraient préciser que l’avocat(e)-enquêteur(e) est engagé(e) pour mener une enquête impartiale et ne devraient pas suggérer l’existence d’une relation avocat-client, notamment en laissant entendre que l’avocat(e) fournit des conseils juridiques à l’organisation.

Cette décision rappelle également à tou(te)s les enquêteur(e)s – internes ou externes, avocat(e)s ou non – de réfléchir non seulement à leurs propres biais potentiels, mais aussi à la perception de leur impartialité par un observateur externe. Une question clé à se poser est la suivante : « Si un observateur extérieur lisait mon courriel à la partie intimé(e) ou écoutait ma discussion avec mon client, penserait-il que je suis biaisé(e)? ». Se poser ce type de questions tout au long du processus permet non seulement de rester impartial, mais aussi de préserver l’apparence d’impartialité.

English version


1 2024 CanLII 109523. (décision disponible seulement en anglais)

2 Il s’agit de l’acronyme en anglais (“the Toronto Metropolitan Faculty Association”). Il n’existe pas d’équivalent en français officiellement reconnu.

3 Il s’agit de l’acronyme en anglais (“Toronto Metropolitan University”). Il n’existe pas d’équivalent en français officiellement reconnu.

4 Au par. 83.

5 Au par. 79, citant Whitelaw v. Canada (AG), 2024 FC 1115. (décision disponible seulement en anglais actuellement)

6 Ibid. au par. 86.

7 Ibid. au par. 87.

8 Ibid. au par. 88.

9 Ibid. au par. 91.

10 Ibid. au par. 105.

11 Ibid.

12 Ibid. au par. 106.


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