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« Savoir-faire » – Effectuer des enquêtes en milieu de travail dans ma langue seconde

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J’ai grandi en parlant en français. Quand j’étais petite et que je jouais avec mes amis dans le quartier, on parlait en français ou en anglais selon les mots qui nous venaient à l’esprit. On vivait dans une communauté composée de familles anglophones, de familles francophones ou de familles bilingues, alors la langue n’était jamais une frontière : nous étions juste des enfants jouant ensemble. Je n’ai jamais vraiment réfléchi au fait que je parlais en français, tout comme cela ne faisait rien à mes amis francophones de parler en anglais. C’était simplement ce que nous faisions lorsque nous étions ensemble.

Récemment, cependant, j’ai eu l’occasion de penser sérieusement à ma seconde langue, car j’ai effectué des enquêtes en milieu de travail en français. Au départ, les entrevues en français m’ont posé quelques problèmes. Cela semblait emprunté, contrairement à mon style de conversation habituellement simple. J’ai réalisé que malgré le fait d’avoir interrogé des personnes presque tous les jours de ma carrière juridique, je n’ai eu que des conversations causales et non reliées au travail en français. J’avais l’impression d’apprendre à nouveau à effectuer des entrevues. Poser des questions importantes, générales et ouvertes était facile, mais pour obtenir les renseignements plus approfondis et détaillés que je recherchais, cela semblait forcé et j’étais mal à l’aise. L’inconfort était semblable à la gêne que j’ai ressentie en interrogeant des personnes au début de ma carrière. Est-ce que je comprenais les nuances dans la façon dont les personnes interrogées se sentaient? Ai-je peut-être raté un indice social en interprétant faussement le ton? Cela semblait nouveau et, comme pour tout ce qui est nouveau, cela a pris du temps pour m’habituer au style que je souhaitais utiliser lors de mes entrevues en français. Maintenant, mes entrevues en français sont plus faciles et j’effectue ces séances de façon très semblable à mes entrevues en anglais, qui sont d’un style plus conversationnel avec l’aide d’indices subtils pour encourager une divulgation plus complète des renseignements.

Ce qui continue à attirer mon attention est l’utilisation ponctuelle de mots en anglais dans une conversation en français. Entendre le mot « speed boat » au milieu d’une phrase décrivant une activité récente à un chalet m’a surprise et je me suis demandé si j’avais bien entendu cela. Bien que je ne sois plus surprise lorsque quelqu’un me souhaite un « bon weekend » au lieu d’une « bonne fin de semaine » lors d’une entrevue le vendredi, je trouve toujours bizarre d’entendre des phrases comme « no way », « that’s it, I’m done » ou « I’m outta here ». Lorsque j’entends ces phrases ou ces idiomes anglais, je me demande souvent comment ils peuvent être placés si correctement dans une phrase par une personne qui parle rarement en anglais jusqu’à ce que je me souvienne que des personnes anglophones qui ne parlent pas français utilisent des expressions comme « je ne sais quoi » pour décrire un certain cachet ou une caractéristique qui ressort, et qu’elles utilisent ces expressions assez confortablement.

Il reste une formalité dans mes enquêtes en milieu de travail francophone dont je ne suis pas consciente lorsque je parle en anglais. En anglais, je poserais la question suivante : « What can you tell me about the incident? », alors qu’en français, la distinction « tu/vous » doit toujours être prise en compte dans mon interrogatoire. Le mot « tu » est la version informelle de « you » et le mot « vous » est utilisé comme la version formelle et plus respectueuse. En général, je vais commencer par utiliser « vous » jusqu’à ce que l’on me dise que ce type de formalité n’est pas nécessaire et je passe alors à l’utilisation du « tu » dans mes questions. Il est vrai que parfois, je commence simplement par une question « tu », généralement quand je parle à une personne de mon âge ou plus jeune. C’est difficile de briser mes vieilles habitudes d’utiliser « vous » pour m’adresser à des personnes plus âgées et qui méritent le respect que la formalité indique.

La formalité de la langue française offre également une utilisation intéressante des titres qui, du fait de la dynamique du milieu de travail, figurent souvent dans des évènements qui me sont décrits. Des titres comme M. et Mme sont systématiquement utilisés à la place des prénoms, mais les gens font également référence à des personnes par le titre de leur poste, comme gestionnaire, directeur ou permanent syndical.« Mon directeur, M. Jones », par exemple, se traduirait en anglais par « My director, Mr. Jones ». La version anglaise de la déclaration semble bizarre, mais cela se dit très facilement et naturellement en français.

Je m’en voudrais de ne pas mentionner les expressions et les idiomes français que je ne connais pas bien et qui apparaissent souvent dans des entrevues. Comme pour de nombreuses expressions anglaises, les mots qui composent l’expression présentent parfois peu de ressemblance avec la signification qui y est associée. Par exemple, l’expression française : chercher la petite bête, qui signifierait littéralement : look for the little beast. En fait, cela signifie : « splitting hairs » (couper les cheveux en quatre). Lorsque des expressions comme celle-ci sont utilisées, je dois demander à chaque personne ce que cela signifie afin que je puisse objectivement évaluer la façon dont un répondant, un plaignant et les témoins comprennent le sens de la phrase avant que je puisse évaluer les implications de l’échange.

Je suis heureuse de parler à nouveau régulièrement en français pour le travail et avec chaque nouvelle enquête, j’explore la langue dans des façons que je n’ai jamais eues à faire dans le passé. Cela m’a donné une perspective sociale unique sur les gens et les styles de communication, et cela a amélioré ma capacité à obtenir une meilleure idée à partir des phrases, des mots et des gestes en réfléchissant sur plusieurs niveaux interprétatifs en même temps. Cela a amélioré ma capacité à écouter attentivement les personnes et, de ce fait, à apprécier la patience qui permet de leur donner le temps nécessaire pour communiquer efficacement leurs pensées et leurs sentiments sans interruption. Je n’ai jamais dû analyser les mots et les significations lorsque j’étais avec mes amis francophones. La responsabilité qui m’incombe maintenant, d’aider les gens à améliorer leur vie en milieu de travail dans nos deux langues officielles, me fait apprécier d’autant plus le rôle important que la langue et ses nuances jouent dans nos interactions quotidiennes.

Kenda Murphy

 


About the Author: Toronto Employment Lawyer Kenda Murphy is a lawyer with over 20 years of experience in civil and criminal litigation. Over the course of her career, she has been in private practice and worked in the public sector with the Public Prosecution Service, Department of Justice and Health Association Nova Scotia. Most recently Kenda was the Associate Director & Counsel of the Employee/ Labour Relations Unit at Queen’s University.